Dossier : Le Canada, Eldorado du Jeu Vidéo
Lorsqu'il y a une vingtaine d'années les jeux vidéo ont commencé à vraiment s'ouvrir au grand public, deux pays étaient les principaux producteurs en la matière : les Etats-Unis et le Japon. Aujourd'hui, la production s'est diversifiée et on peut même trouver des blockbusters développés en France tandis que la Chine et la Corée du Sud montent en puissance. Mais une nouvelle superpuissance du jeu vidéo a émergé durant les 10 dernières années : le Canada. Revenons donc sur ce petit pays qui produit de grands jeux...
La production de jeux vidéo au Canada, c'est 247 entreprises en tout pour environ 14 000 employés recensés en 2009, sans prendre en compte toutes les petites entreprises qui gravitent autour et dont le jeu n'est pas le seul business. Tout cela représentait 1,7 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2008, un chiffre tout bonnement énorme qui a rapidement propulsé le pays, malgré sa faible population, en troisième position des plus gros producteurs de jeux au monde, derrière le Japon et les Etats-Unis.
Avec environ 30% de croissance de l'activité de ces entreprises de prévu sur les trois prochaines années, le Canada n'est pas prêt de sortir du cercle vertueux qui s'est enclenché ces derniers temps : le succès de ces entreprises attire les talents du monde entier, qui créent de nouveaux succès, qui attirent encore plus de talents. Deux grands éditeurs sont témoins de cet état de fait : Electronic Arts, qui avait établi l'un de ses plus grands studios à Vancouver et a créé, presque à partir de rien, toute l'industrie de la ville, et Ubisoft, avec ses énormes studios de Montreal, Québec et désormais Toronto, qui ne cessent d'accueillir les talents par centaines.
L'industrie du jeu vidéo au Canada est principalement concentrée sur trois grandes provinces représentant 94% de l'industrie nationale. Ainsi, le Québec, et la Colombie Britannique représentent environ 80% de cette industrie, tandis que l'Ontario compte pour 14%. Les trois principaux pôles de développement se trouvent dans les villes de Montreal, Toronto et Vancouver, rivalisant au niveau des salaires mais également et surtout, de la qualité de vie, pour attirer les meilleurs développeurs du monde dans leurs enceintes.
Locaux d'EA Canada à Vancouver
Vancouver, berceau d'Electronic Arts
Comme pour beaucoup de villes canadiennes, l'aventure de Vancouver avec le jeu vidéo commença par le cinéma. Ainsi, la ville accueillait déjà de nombreux tournages et équipes de développement en animation 3D, une base qui, ajoutée à une très grande qualité de vie ainsi qu'à la proximité entre Vancouver et le centre industriel de Seattle, ont poussé Electronic Arts à y établir ce qui est depuis devenu EA Canada. EA Canada a depuis très largement grossi, et comme c'est souvent le cas, des grappes d'employés en sont partis pour fonder de nouveaux studios dans la même zone, dont l'un des plus prestigieux est Relic Entertainment à qui l'on doit les séries Dawn of War et Company of Heroes.
La très forte croissance de l'industrie du jeu vidéo dans la région a été telle que les différents studios ne pouvaient trouver assez de talents autour d'eux et doivent désormais faire venir de l'étranger près de 40% de leur main d'œuvre, un record pour l'industrie au Canada. Cette croissance est d'autant plus surprenante que, contrairement à l'Ontario et au Québec, le gouvernement de Colombie Britannique accorde assez peu d'aides aux entreprises de jeu vidéo dans la région.
Studio d'Ubisoft à Montreal
Montreal, diversité et éducation
L'histoire de Montreal est relativement similaire à celle de Vancouver, si ce n'est que la capitale économique du Québec a une qualité supplémentaire : la diversité. Avec 5 millions d'habitants dont environ 500 000 anglophones natifs, Montreal est un grand pôle d'attraction culturelle, une ville bouillonnante d'activités en tous genres et de personnes de tous horizons, propre à stimuler la créativité des artistes. A rechercher la genèse de l'industrie du jeu locale, on peut certainement remonter jusqu'à la société Softimage spécialisée dans la création de logiciels de modélisation 3D (Autodesk) et fondée à Montreal en 1986. Suite à la croissance de cette société et à l'attrait de la ville pour les studios de cinéma, un pôle de talents s'est formé sur place et a attiré les entrepreneurs du jeu vidéo, et notamment Ubisoft.
Ubisoft Montreal, studio à qui l'on doit Far Cry 2, Assassin's Creed ou encore le dernier Splinter Cell, est fort de plus de 800 développeurs et a largement contribué à l'attraction de talents dans la ville, notamment par l'établissement du Campus Ubisoft, une "université" spécialisée en jeux vidéo et dans laquelle l'éditeur pêche une bonne partie de ses employés. Dans les dernières années, de nombreux éditeurs sont également venus s'installer à Montreal, attirés par de juteuses aides du gouvernement, et on y compte maintenant les studios d'EA, Bioware, Warner, Eidos, et bien d'autres.
Bureaux de Sony à Toronto
Toronto, le centre financier
Des trois grands centres du jeu vidéo au Canada, Toronto est très certainement le plus petit, mais également le moins orienté "développement". Ainsi, Toronto a toujours été un grand centre financier pour le Canada, et c'est la raison pour laquelle on y trouve surtout les divisions d'affaires des éditeurs. Peu de studios de développement, mais les QG canadiens de Sony, Microsoft et Nintendo qui gèrent une partie de leurs opérations internationales depuis la ville.
Ayant vu le potentiel du jeu vidéo en terme de croissance et de revenu, le gouvernement de l'Ontario est depuis 2008 devenu très agressif au niveau des aides financières pour attirer les développeurs de jeux vidéo, ce qui a notamment mené à la création du studio Ubisoft Toronto, dirigé par Jade Raymond (ancienne productrice d'Assassin's Creed), et qui développe notamment le prochain volet de la série Splinter Cell.
Locaux d'Activision-Beenox à Québec
Et les autres alors ?
Malgré la prédominance des trois grands pôles de développement, d'autres villes ne sont pas loin derrière. On pense notamment à la ville de Québec où se trouvent le studio Beenox d'Activision, Ubisoft Québec ainsi que les 200 développeurs de l'indépendant Frima Studio, faisant ainsi de la localité francophone le quatrième plus gros pôle de développement du pays. D'autres régions s'illustrent, comme la ville de London en Ontario où on trouve Silicon Knights (Too Human), ou bien Edmonton en Colombie-Britannique, berceau et principal studio du célèbre Bioware ainsi que d'autres firmes qui se sont fondées autour de ce pôle de talents.
Locaux de Bioware à Edmonton
Vers l'avenir et au-delà !
On l'a vu, le Canada est aujourd'hui une force sur laquelle il faut compter. Grâce à une qualité de vie très élevée, à un système éducatif au point et bien souvent à d'importantes aides financières, le pays a réussi à attirer la crème des développeurs de jeux vidéo du monde entier. Et l'avenir ne semble réserver que du bon à ce pays, avec une croissance d'au moins 30% prévue sur les trois prochaines années, les efforts du gouvernement de l'Ontario qui commencent à payer, et de plus en plus de gros éditeurs qui s'installent dans la région (comme Warner Interactive qui a récemment ouvert un grand studio à Montreal). Une bonne nouvelle pour les canadiens, mais une mauvaise nouvelle pour les autres acteurs du secteur, qu'ils soient américains, français ou encore anglais, car cela signifie également que les pays ne voulant ou pouvant pas rivaliser en terme d'aide financières sont condamnés à voir leurs talents s'enfuir vers de meilleurs cieux...
- Portail de l'emploi jeu vidéo au Canada : http://canada.afjv.com/
- Site officiel d'Ubisoft Canada : http://www.ubi.com/enca/default.aspx
- Site officiel du nouveau studio Ubisoft Toronto : http://toronto.ubisoft.com/
- EA Canada : http://www.eacanada.com/
- Alliance Numérique, association regroupant une quarantaine d'acteurs du jeu vidéo au Québec : http://www.alliancenumerique.com/
1 Commentaires, cliquez pour commenter:
Dossier suffisamment exhaustif qui résume bien la situation, bravo :)
On peut en effet se poser des questions en ce qui concerne les autres pays, surtout quand on voit que l'allègement de la taxe a été supprimé en Angleterre, et que la France tarde à soutenir cette industrie prometteuse.
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